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La politique et la société à rebrousse-poil
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La politique et la société à rebrousse-poil
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2 octobre 2010

Algérie, mon amnésie.

N'avez-vous pas remarqué quelque chose de curieux dans nos programmes télévisés la semaine dernière? Un sujet récurant en ce moment et qui change des banalités habituelles comme les programmes de cuisine, les émissions de divertissement ou les documentaires sur des psychodrames de quartier. Bien sûr, pour ne pas être passé à côté de ça, il ne faut pas être un adepte de TF1 ou des chaînes trop spécialisées dans le n'importe quoi et qui pullulent sur le câble.
Prenez une bonne vieille chaîne du service publique, qui, entre nous, devrait se faire pardonner de tellement d'erreurs elle aussi, et regardez à la page du jeudi 23 septembre et à celle du dimanche 26 septembre. Vous y verrez d'abord un magnifique documentaire proposé par Infrarouge sur France 2 ("Guerres secrètes du FLN en France") et, sur la même chaîne, vous trouverez le film qui a fait parler de lui en 2006: "Indigènes". Sans oublier le film du même réalisateur, Rachid Bouchareb, qui est sorti mercredi 22 septembre et qui commence là où "Indigènes" s'était arrêté.
Mais quelle est donc cette volonté de soulever cette chape de silence qui asphyxie l'histoire française d'après guerre? D'où vient cette envie? Pourquoi s'affirme-t-elle aujourd'hui?harkis_ancien
Peut-être vient-elle du fait que l'Algérie fêtera bientôt ses 50 ans d'indépendance (1962-2012). Mais cet anniversaire n'est pas pour tout de suite. Peut-être vient-elle du fait que le 25 septembre dernier a eu lieu la dixième journée nationale d'hommage aux Harkis. Une commémoration qui n'a pas sensibilisé les médias. Au journal télévisé de France 2, le soir même, rien n'a été mentionné sur cette journée particulière pour la France. Pourtant, c'est bien sur France 2 qu'a été diffusé le documentaire sur le FLN deux jours plus tôt. Curieux.
Par contre, il se trouve que le journal a consacré 7 bonnes minutes à un sujet des plus mémorables du siècle: une pièce de théâtre parisienne ("Chien Chien") que seuls les plus dandys et les plus parisiens d'entre nous irons voir s'il ont du temps et de l'argent a tuer.
Bref, rien sur l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui. Mais alors? Comment comprendre cette envie? Comment faire l'analyse, 50 ans plus tard, de cette page de l'histoire que la France a eu du mal a reconnaître.
Le poil a sa petite idée là-dessus.
Il y a des protestations, des manifestations qui séparent les peuples, les classes et les gens plus particulièrement. Souvent elles concernent les religions, l'indépendance que l'on revendique ou les avis sur un projet de construction (comme les autoroutes qui opposent les riverains aux autorités locales).
Et puis, il y a des manifestations qui rapprochent, qui unifient parce qu'elles concernent le quotidien de tous, les intérêts de chacun. L'actualité nous le montre. Quand trois millions de personnes descendent dans les rues (pour la journée du 23 septembre dernier), on peut symboliquement dire que c'est toute la France qui s'exprime. La France des Blacks, Blancs, Beurres (désolé de faire dans le cliché!). Nicolas Sarkozy a au moins cette qualité: il nous met tous dans une merde pas possible et ce, toutes origines confondues. Merci Nicolas! Dans ce sentiment d'abandon, d'oppression, nos forces redoublent, la solidarité renaît de ses cendres et, le temps d'une manifestation, on en oubli nos autres maux.Hors_La_Loi_fichefilm_imagesfilm
Depuis 2007 et le sacre de notre grand monarque, l'oppression sur les plus pauvres ne cesse de croître. Forts de la rage qui les anime depuis plusieurs décennies (une rage subtile qui pousse à la bonne action), les enfants des immigrés des années 50 et 60 expriment leur déception vis à vis de la "République" ("chose publique") en même temps que le reste de la France. Quoique...Eux aussi sont "le reste de la France". Mais, justement, emportés par les vagues de mécontentement, ils trouvent à ces moments, une occasion de se sentir légitimes et moins seuls dans leurs revendications. Et puis, plus simplement, l'histoire nous montre peut-être qu'il faut une génération pour que le silence se brise. Les parents voulaient penser à autre chose que leur jeunesse bafouée, vécue sous les menaces et les fusils (tant français qu'algériens). Les enfants n'ont pas eu ces images insupportables dans la tête. Juste des discours, des histoires racontées. Parfois cela suffit à faire peur. Parfois cela suffit a réaliser de jolies choses comme les œuvres de Rachid Bouchareb. Des œuvres d'utilité publique qui doivent nous faire réfléchir, nous faire rappeler la dureté de l'histoire. "Hors la loi" n'est pas un documentaire. Rachid le dit lui même. C'est un film avec sa part de fiction. Son principal intérêt: raviver les mémoires.
Malheureusement, il existe des détraqués du cortex (vous savez, là où s'agglutine nos neurones!). Je pense à Lionel Lucas, député UMP des Alpes-Maritimes qui, en mai dernier, lors du festival de Cannes, a qualifié le film de "falsification historique" (réf: le J.D.D. du 21 mai 2010). Plus idiot encore, cet énergumène n'a pas changé d'avis même après avoir vu le film. Je m'arrête là, de peur de lui faire trop de pub. Pour terminer, Lionel devrait se souvenir de quelques détails. Après les accords d'Evian du 18 mars 1962, l'état français n'a pas protégé les Pieds-noirs et les Harkis restés en Algérie, désarmés, aux mains du FLN. Il ne les a pas rapatrié et les a laissé se faire emprisonner dans des camps.Croire que la France n'a pas commis de graves violences vis à vis de ses citoyens, car l'Algérie était un département français, c'est faire affront à des milliers de victimes et leur famille. C'est même faire affront à sa nation qui a finit par reconnaître (trop tard, certes) sa culpabilité dans cette guerre sanglante. Preuve de sa reconnaissance, le 23 juillet dernier, une loi fut votée grâce au succès d'"Indigènes". Désormais les cartes d'anciens combattants ne sont plus réservées qu'aux anciens combattants de nationalité française où domiciliés en France mais aussi aux combattants du Maghreb qui ont servi la France et ce, de quelque nationalité que ce soit.De ce fait, ils ont également le droit à une pension militaire. Il était temps! ça aurait fait un sacré point noir sur le gâteau d'anniversaire des 50 ans d'indépendance! Les algériens, c'est réglé. Du moins c'est ce que doit penser notre gouvernement.Vincent_van_Gogh__The_Caravans___Gypsy_Camp_near_Arles
Tiens! et si on s'occupait des Roms? Pas mal l'idée! En démantelant un camp, ça fait pas mal d'expulsés d'un coup. C'est bien ça! C'est rentable! ça va exploser les quottas! Souvenons-nous cette phrase d'une clarté limpide: " 300 campements ou implantations illicites devront être évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms" Petite devinette. D'où vient cet ordre?
Suspens...De la circulaire du 5 août dernier du directeur de cabinet de notre Brice Hortefeux national. Quelle phrasé! Quelle arrangement stylistique! De la vraie littérature moderne de cet an de grâce 2010 où la monarchie règne en maître!
Bon, finalement, il y aura une deuxième circulaire qui visera tous les camps illicites. Quelle équité! Merci l'UMP.
Voilà. Faut-il préciser que les Roms et les gens du voyage sont en Europe (et en France par la même occasion) depuis le XVème siècle. Malheureusement, ils vivent aujourd'hui dans un monde de plus en plus sédentaire et replié sur ses convictions. Mais est-ce à eux de changer de mode de vie ou à chaque état de leur faire une place (si petite soi-elle) sur leur sol? Quel genre d'être humain serions-nous si nous laissions notre état, notre "chose publique" renvoyé en charters des gens qui, de toutes les façons, seront confinés dans des taudis miséreux chez eux. Avant d'imaginer tout retour dans leur pays, essayons, en tant que grands pays européens et mondials, de préparer le terrain chez eux, de s'assurer qu'ils auront une vie sereine. Cela vaut pour tous ceux sur lesquels l'état s'acharne. C'est facile de jeter quelqu'un à la porte, surtout lorsqu'ils n'ont pas de visage, lorsqu'ils ne sont que des chiffres, des cases à remplir. Alors bien sûr, les plus sérieux d'entre nous dirons: "mais vous vous rendez compte! ils sont en situation illégale!" Humour quand tu nous tiens! Rappelons juste que c'est justement l'état-police qui décide des conditions d'illégalités dans lesquelles se trouvent les immigrés. Le serpent se mort la queue! Tant qu'il ne l'avale pas! Car il n'est jamais trop tard pour changer de politique. Vivement la fin du règne de notre sainteté: Nicolas!

réf photos: www.minefi.gouv.fr
                www.premiere.fr
                www.wikipedia.org  Les Caravanes de Vincent Van Gogh

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