Le Sénat vote la retraite dans l'indignation

22 octobre 2010

"Le Sénat bafoué"

Le poil s'en allait guilleret dans les rues de Paris tâter l'air ambiant du bout de sa pointe fourchue. L'air était frais, vivifiant et parfumé de mélancolie. Celle de chaque début d'automne, lorsque l'été s'incline. Cet air est un de ce que je préfère dans l'année. Il est serein et fait remonter à la surface du quotidien des senteurs oubliées, des effluves du passé, un goût de nostalgie qui se mêle aux fumées des fourneaux des boulangeries.
Mais cet air automnal est pollué, teinté d'une odeur nauséabonde. Celle des plats réchauffés que nous sert l'Élysée. Évadé dans les ruelles du 5ème arrondissement, je ne m'aperçus pas que je me rapprochait dangereusement du jardin du Luxembourg et de son sénat. Des dizaines de manifestants me le rappelèrent. Il se rassemblaient là, symboliquement pour se faire entendre au delà des murs du Sénat. Car, ce mercredi 20 octobre, c'est bien devant les hautes portes de cet antichambre du gouvernement que le destin de la France se jouait. En partie du moins. Remettons les choses dans le bon ordre:
Le 15 septembre dernier l'Assemblée Nationale a adopté la loi sur la réforme des retraite. Le 16 octobre, le sénat aurait dû continuer les votes sur cette affaire.Finalement, l'ouverture des discussions au jardin du Luxembourg a été reportée au mercredi 20 octobre. Ce retard a été pris sans aucune crainte puisque, de toute façon, les articles les plus importants de la réforme (celui qui reporte à 62 ans l'âge légal de la retraite et celui qui autorise qu'à 67 ans l'âge permettant de toucher une retraite sans décote) avaient déjà été adoptés.A force de pousser et repousser le vote sur la réforme des retraites, les sénateurs ont été sanctionnés par maître Sarkozy. Et oui, c'est comme ça qu'on traite les mauvais élèves à l'école nationale des bouffons!

La punition? Le gouvernement a demandé, jeudi dernier, un vote unique sur la réforme afin de faire adopter la loi par le Sénat avant le week-end. Maître Sarkozyzy s'appuie pour cela sur l'article 44-3 de la constitution qui prévoit que "si le gouvernement le demande, l'assemblée se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement."

En clair: les sénateurs se contentent de présenter leurs amendements (au lieu de trois minutes de temps de parole), sans explication de vote (cinq minutes de temps de parole normalement) et sans vote. Le texte est ensuite soumis à un vote global et unique avec seulement les amendements retenus par le gouvernement. Soit aucun! "Le débat ne doit pas durer pour durer", "Il n'est pas justifié": tels sont les mots du roi des bouffons à qui je décerne la palme de l'hypocrisie et de la bêtise...J'ai nommé Eric Woerth qui, pour le poil, a perdu toute crédibilité depuis cet été. Comment recevoir des ordres d'un escroc?

Mais pourquoi donc cette précipitation? Ne serait-ce pas Sarko veut que tout soit fini pour le mercredi 27 octobre, à 20 heures pétantes. 20 heures?...20 heures?...Mais ce n'est pas l'heure exacte à laquelle l'homme s'est réservé le journal de TF1? Je dis ça...Je ne dis rien....Sans perdre de vue que le gouvernement espère qu'au retour des vacances de la Toussaint nous soyons réduits à admettre que le dossier est définitivement clos. C'est sans compter sur notre aplomb et nos convictions.

De son côté, le groupe PS a déclaré que "le Sénat est bafoué". C'est le moins que l'on puisse dire! Il faut dénoncer ce coup de force au sénat après celui que l'Elysée a mené à l'Assemblée nationale où les députés ont été forcés de faire un vote unique et forcés de cesser les discussions sur la réforme. Jusqu'où ira le gourou national, le souverain autoproclamé? Il a mis en marche la réforme des retraites sans même l'évoquer dans son programme en 2007, il n'a pas demandé l'avis de la population (par un référendum par exemple), il n'écoute pas la colère montante des rues et voilà qu'il contrôle l'Assemblé et le Sénat. Mais jusqu'où ira-t-il? Jusqu'à faire passer ses réformes seul, en les proclamant comme au bon vieux temps des royalistes?

Echec et Mat

Parce qu'en plus de passer en force au Sénat, le gouvernement passe en force dans les rues et dans les dépôts de carburant. Dans la nuit de mardi à mercredi dernier, les déblocages ont commencé. Il restait ensuite 14 dépôts de carburant à s'occuper. Dans le nuit de jeudi à vendredi dernier, c'est la raffinerie de Grandpuits (en Seine-et-Marne) qui a été débloquée avec violence de la part des forces de l'ordre puisque trois grévistes ont été blessés. Une force inutile puisque la situation s'améliore lentement côté carburant à quelques heures des vacances de la Toussaint et du vote du Sénat sur les retraites.

Sans compter que dimanche dernier (le 17) un arrêté de la préfecture de Seine-et-Marne a ordonné à trois salariés de la raffinerie le chargement et la livraison d'essence sous peine de cinq ans d'emprisonnement. Le gouvernement et le groupe Total s'en prennent là au droit le plus fort dans le monde du travail, au droit de grève et portent atteinte à la dignité de l'employé.
Une force que l'on minimise dans les médias tandis que l'on exagère toujours d'avantages les dérapages causés par les groupes de casseurs le jours des grandes manifestations. Le poils enrage et s'indigne!!! Comment osé, dans un JT, dans tous les JT d'ailleurs, faire un reportage (en grand format) sur des incidents en marge de la mobilisation en faisant le lien avec celle-ci justement. Le poil sait de quoi il parle! Les "casseurs" sont des groupes de jeunes en mal de repère qui viennent souvent derrière le passage des cortèges pour casser les voitures, les vitrines des magasins, les panneaux de signalisations etc...

Des incidents graves, à prendre en compte (bien sûr) mais à ne pas rapprocher des manifestants qui se réveillent chaque matin tôt pour organiser leur mouvement. Alors, quel intérêt pour eux que la journée se déroule mal?
Sarko continue son laborieux travail de stigmatisation des citoyens actifs qui vont dans les rues pour s'exprimer tant qu'ils en ont encore le droit. Sarko croit faire peur, il croit pouvoir créer une psychose pour qu'enfin, les plus malléables d'entre nous se rangent sous ses soit-disant bons conseils, sa fausse protection. Pour les plus censés, le combat ne doit pas être parasité. Ces journée de mobilisation sont des doux moments de solidarité qui nous font comprendre qu'il n'y a pas a avoir peur de son voisin. Les plus dangereux ne se trouvent pas dans les rues, ni aux abord des citées. Les plus dangereux ont été avocat, ils ont fait Léna. Ce sont ceux qui manipules les lois comme personnes, qui changent les règles du jeu pendant la partie. Mais la partie n'est pas fini et un retournement de situation est si vite arrivé! Echec et mat!

La carotte ou le bâton?

Sarko veut cerner de tous côtés. Derrière, c'est le bâton qui menace. Avec la répression violente du gouvernement dans les rues et son passage en force au Sénat et à l'Assemblée. Devant, c'est la carotte. Une carotte un peut pourrie qu'il va nous trainer jusqu'en 2012, histoire de garder espoir pour les élections. Oui, dans sa généreuse bonté, maître Sarkozyzy nous offre son indulgence! Le gouvernement a ainsi donné, dans la nuit de mercredi à jeudi, son feu vert à un amendement dans le projet de loi au Sénat qui pourrait relancer les débats sur la réforme de la retraite après l'élection présidentielle de 2012. A compté du premier semestre 2013, une réflexion nationale sur une réforme "systémique" des régimes de retraites français aura lieu. Malgré cela, les bornes d'âges ne changeront pas et nous travaillerons au minimum jusqu'à 62 ans. Parmi les thèmes de réflexion prévus: un régime de retraite universel par points.Cette proposition s'inspire des régimes mis en place en Suède et en Italie et se rapproche des propositions de la CFDT.Un peu vague tout ça! Encore une idée qui passera aux oubliettes!
A défaut de ce projet, on pourrait espérer que le parti socialiste, s'il gagne la présidentielle, remette l'adoption de cette foutue réforme en question. Mais le parti socialiste aussi nous emmêle les pinceaux. Il se dit contre la réforme de l'UMP et pourtant...
Le 14 octobre dernier, dans l'émission d'Arlette Chabot "A vous de juger", Martine Aubry s'est exprimée (malgré sa cornée abîmée) sur cette affaire. Pour elle, la durée de cotisation doit être au minimum de 41 ans. "Un gars qui commence à travailler à 20 ans partirait à la retraite à 61 ans et demi" a-t-elle expliqué. Le PS est-il bien clair dans ses explications lui qui dit vouloir une retraite plus tôt? Ou serai-ce nous, pauvres gens, qui n'avons rien compris?
Parce qu'entre nous, quelle différence entre 61 ans et demi et 62 ans? L'un dans l'autre on se fait bien entubé par tous ces aristos! De droite à gauche caviars, le refrain est le même! Le couplet aussi d'ailleurs! Et pourquoi pas aller chercher l'argent des retraites dans les grandes multinationales qui se font le maximum de bénéfices sur notre dos en nous licenciant? Mieux encore! Demandons à Jérôme Kerviel de nous donner des cours pour devenir un opérateur de marché hors-pair!
Sinon, j'ai plus simple: demander à nos dirigeant d'annuler leurs prochains dîners mondains qu'ils se paient avec nos impôts.Leurs demander de prendre un passe navigo plutôt que d'acheter une Mercedes, d'économiser au moins sur les hectolitres de bouteilles Evian qu'ils mettent sur leur table à chaque réunion (autant dire tous les jours) et puis, d'éviter les vols privés à 138 000 euros. Ce serait déjà un bon début, hein?